«(avec une voix de castrat) "Pat au placaaard!"»

 

Je suis en CP. Ma petite amie est une jolie blondinette nommée Marika (troisième en partant de la gauche au premier rang). Dans 20 ans, j'irai à son mariage avec un Allemand en Allemagne.

Mon père a quand même des doutes: je joue aux «Charlotte aux fraises» et à la Barbie. Je suis temporairement le chef de la bande des filles avant de me faire détrôner par Géraldine, la fille avec des nattes.

Je porte des sous-pulls beiges.

         

 
                                     
   

Je suis en CE2. Le petit garçon à gauche au premier rang s'appelle Jérémie et a les plus beaux (et les seuls) biceps de toute la classe. Il me propose de se frotter debout et habillés dans les toilettes et j'aime ça. Après, il ne veut plus: c'est ma première déception amoureuse.

Plus tard, ce sera mon premier retour du refoulé.

L'an prochain, en classe de neige, il fera des trucs sexuels avec le garçon roux du milieu de la photo, et je me sentirai minable d'avoir vu.

Je porte des sweat-shirts «Dingue de Bonascre».

   
                                                       

En 1985, Bibi chante tout doucement. C'est le seul disque de la piscine de Mimizan-Plage. On l'entend 15 fois à chaque heure de natation. Le prof est petit et mat, il est peut-être rebeu mais dans ma tête il est Sud-Américain (trop de Merveilleuses cités d'Or). Il a un slip de bain Tarzan, c'est peu mais ça le rend terriblement excitant. Un jour, je lirai le catalogue de la Redoute.

   

La famille de l'ancienne bonne espagnole de ma grand'mère passe l'été (celui-là ou celui d'après?) avec nous. Jérôme est plus grand et plus âgé que moi. Il sait faire des sifflets dans des noyaux d'abricot. J'aimerais dormir avec lui, pas juste dans la même chambre que lui.

Je porte un bob rouge.

                                                       

C'est 1987, peut-être. Je me promène dans la rue à Toulouse avec des gens de ma famille.

Je marche avec ma marraine. Mes parents m'ont dit qu'elle est seule et que son amour de jeunesse l'a abandonnée autrefois. Il s'appelle Hervé. De ça, je ne dois pas parler.

Un jour, je passerai avec ma grand'mère devant un immeuble. Ma grand'mère dira seulement: «C'est ici qu'habite la mère d'Hervé; tu vois...»

Jamais tout le monde n'est heureux en même temps.

Je porte des pull-over en jersey tricotés par Mamy.

         

 
                                     

   

Je suis en terminale. J'aime le corps du cancre même pas rebelle de la classe (tout à gauche, 2e photo), qui a un prénom de nouvelle érotique ratée (Marc). J'écris des nouvelles érotiques ratées sur lui. Je fais des dessins pixellisés pornos de lui. Pour les trois prochaines années, le jour le plus sexuel de ma vie est celui où il m'a pincé le ventre sous les douches de la piscine en me disant que j'ai du bide.

Mes «copains» de classe (menés par le rouquin de la photo, l'héritier du leader mondial de l'hameçon de pêche) m'enferment dans le placard, avant le cours de philo. J'en ressors aphasique. La prof (épileptique et folle) de grec me dit des trucs réconfortants. Elle me saoule et j'accepte de reparler.

Un camarade dédicace la photo, sans méchanceté d'ailleurs: «pourquoi t'as pas apprécié le placard? pourquoi t'as pas participé à la classe?»

On progresse: l'année dernière, ils dessinaient des bites comme signature, et sous-entendaient que je sors avec Sylvain, l'autre qui sur la photo refuse le torse-nu.

Le prof de philo n'a pas de colonne vertébrale mais il ne se lève que deux fois de son siège dans l'année (pour écrire «Nietzsche»).

Je porte des chemises boutonnées jusqu'en haut.

                                                           
 
 

Je vais ailleurs :