Freedonia

«High clouds»

February 20th, 2009





A1: A A-dam, Xavier parlait de ses discussions avec Sébastien Prof et Riquita, il disait drôlement : «Est-ce que le parti a pris une position sur la question?» Il évoquait les doutes et les tâtonnements de la recherche amoureuse.
A2: Le même week-end, au détour de conversations téléphoniques, ma grand’mère disait «Ta mère a annulé la fête d’anniversaire de ta sœur… le cancer du pancréas de X***… eh ben c’est pas marrant d’être vieux», ma mère «de toute façon je dois être à Toulouse, M*** a un cancer d’accord?!», et SophCo me rabrouait méchamment.
A3: Subitement ont reflué toute la solitude périphérique de mon expatriation à la Hague; tout le complexe aussi d’être trop jeune pour être dans la conversation des grands, d’apprendre les nouvelles graves à contretemps; l’angoisse de la péremption de tout et de tout le monde.
B1: Mais à Paris, le week-end dernier, on fêta dignement les anniversaires de SophCo et François B2. La moustache dite Harvey Milk ou «La croisière s’amuse» continuait sa prolifération.
B2: Nicolas B2 était outré des discriminations anti-LGBT, de l’invisibilité de ce combat, «il faut faire quelque chose!» Plus tard dans la soirée, au Douplèche, il serait étonné et marri de mon impatience face à SophCo bourrée.
B3: Madame H parlait de l’absence de programme de la gauche, disait non au bio («c’est de la connerie bourgeoise, ce qu’il faut c’est l’agriculture raisonnée»). François B2 était sur les rotules mais continuait d’être tellement drôle, de piquer des bouteilles de vodka oversize.
C1: Et dans le Marais, Claire et Nico No-Photo, dûment chapeauté, profitaient du beau samedi et des boutiques de meubles.
C2: Claire évoquait ses responsabilités de manager mais «oh non, on va pas parler boulot!»
C3: Dans les profondeurs d’un lounge, Séb H et Nathalie C parlaient du retour aux dures réalités du un-six et des études en grande banlieue. Séb effleurait la joie toute neuve du consulting.
D1: Désert commerçant du 16ème toujours, ACC parlait des malheurs des PME en temps de crise.
D2: Raphaëlle était timide, un peu, gigotait, pas mal, et comprenait, beaucoup.
D3: Philip demandait confirmation sur Marie-Gabrielle, prénom qui tenait la corde pour n° 2.
E1: La veille, à Ménilmontant, The New Government avait subjugué la foule avec l’aisance des dandies.
E2: ComitéCentral avait toujours la fièvre des passions unilatérales. Il devait passer des vacances chez Hedi Slimane à L.A. comme d’autres vont chercher le pain.
E3: Elise aimait toujours quand c’est compliqué, tumultueux: telenovella.

Rotatzia

February 17th, 2009

Puis les douze tribus d’Israël rentrèrent en elles mêmes et se livrèrent au seul loisir devant l’Éternel, la knessetologie.

- à l’inverse de beaucoup de partis centristes et libéraux du passé (Gil cette fois-ci, le Shinoui la précédente, et d’autres), Kadima s’ancre dans le paysage politique israélien et fait mieux encore, en demeurant la force majeure. Livni emporte au finish les élections et réussit ainsi, à titre personnel, son OPA sur la Maison Sharon (fondateur), Olmert (successeur) & Companie, politique centriste en gros.

- c’est la victoire des droites. L’ensemble de l’électorat est entraîné par un effet de vases communicants. L’extrême droite est désormais dominée par le vrai gagnant, la formation russophone Notre Maison Israël et son leader, troisième force du pays avec un leader maximo — Avigdor Lieberman — et un vigoureux discours laïque (bouffe-cochon) et anti-arabe. Netanyahou rate de peu la victoire, mais capte un quart de l’électorat, dans un contexte de tension sécuritaire ravivée. La gauche sioniste (travaillistes et pacifistes de Meretz) est laminée, son électorat «votant utile» c’est-à-dire Kadima, qui limite donc pour l’essentiel la casse. (pour ce qui les concernent, les listes «arabes», dans leur variété, progressent.)

- la complexité de l’équation politique est grande, même dans les standards élevés de la Knesset. Livni clame sa victoire, et de ce fait refuse (à ce stade) toute formule d’union nationale (Kadima + Likoud + HaAvoda + qui veut) qu’elle ne conduirait pas elle-même. Elle pose l’alternative: moi comme chef, ou bien la droite mais sans Kadima. En face, Nétanyahou continue de pointer la victoire de son camp (la droite), ne pouvant revendiquer celle de son parti (le Likoud); à ce titre, il revendique la primature pour lui-même comme durant toute la campagne. Reste qu’une coalition des droites laïques (Likoud, Beitenou) et religieuses (Shas, MafDaL/Foyer juif, Judaïsme unifié de la Torah, Union nationale), si elle est majoritaire sur le papier, est rendue improbable a priori, et serait précaire en pratique, du fait des détestations entre les religieux et Lieberman. Ce dernier a été qualifié de «démon» par le Shas (pourtant une formation «modérée»), qui voit en lui le fourrier des calamités séculières (mariage civil, charcuterie, etc.). La presse française a d’ailleurs complétement raté cet aspect-clé de la question, ne traitant que le discours outrancier de Lieberman sur les Arabes israéliens.

- Au bout du bout du compte, Israël pourrait, comme devant, hériter d’un gouvernement bancal et temporaire, typiquement une majorité large à base Kadima + Likoud,  mais explosive (détestation Livni / Netanyahou, autres sous-détestations assorties) et soudée par un deal faustien improbable. On reparle de la «rotation», la formule trouvée entre les travaillistes Mapai de Peres et les conservateurs Likoud de Shamir en 1984/1988: Premier ministre deux ans chacun à tour de rôle. Un peu comme le condominium PPE/PSE à Strasbourg.

- On parle de relever le seuil de représentation à la Knesset (2% des voix actuellement).  Dites juste : «non».

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Edit: Idan STAPS me signale qu’en fait, l’Union nationale inclut des religieux effrayants (y compris un kahaniste, Michael Ben-Ari, du parti Eretz Yisrael Shelanu). Le leader de l’Union,Ya’akov Katz (du sous-parti Moledet), est également un religieux. Uri Ariel (Tkuma) est un colon dont la foi apparaît presque modérée en comparaison, Aryeh Eldad (HaTikva) un autre colon extrémiste anti-palestinien, son mini-parti est qualifié de «laïque».

Le cinquième jour, le Seigneur le Dieu d’Israël créa la Knesset et tous les députés qui volent sur la terre et rampent pour un portefeuille et nagent dans les eaux troubles de la trahison. Et il vit que cela était bon. Alors le Seigneur le Dieu d’Israël dit: «que la Knesset se dissolve et soit réélue très souvent. Qu’elle se divise intestinement, au centre et aux extrêmes, et qu’elle suscite autant de partis improbables qu’il y a d’étoiles dans le ciel et de shekels dans les pots-de-vin.»

(en violet, les partis religieux. En vue de ces élections, le MafDaL a formé la nouvelle alliance du Foyer juif avec ses anciens alliés de l’Union nationale: Ahi, Tkuma et Moledet, lesquels ont re-scissionné aussi sec et re-rejoint, selon les cas, l’Union nationale ou le Likoud. Louée soit la volonté du Seigneur!)

Les miscellanées de M. Ngroung

February 4th, 2009

En Lituanie, c’était hier, en octobre, la majorité a basculé aux législatives, entraînant un changement de coalition. Les élections ont marqué un effondrement des Travaillistes (Darbo Partija), premier parti de la chambre sortante, en échos notamment aux scandales financiers ayant touché son leader Victor Ouspaskitch. Les conservateurs de l’Union patriotique – Chrétiens-démocrates lituaniens (TS-LKD) retrouvent le pouvoir, en alliance avec un petit groupe tout neuf, le Parti de la résurrection nationale (TPP), dont RFI nous apprend qu’il rassemble des stars et que son programme ressemble au Décalogue. En tout cas, son logo quelque part entre secte et revival nineties moche, devrait inciter ses électeurs à la circonspection. le TS-LKD s’allie aussi à des dissidents libéraux du Mouvement libéral de la république de Lituanie (LRLS), pour former une coalition rique-raque. Ces derniers ont opté pour l’orange, couleur de l’ubiquité politique des années 2000, et une frise de gens, car ils sont selon toute vraisemblance un parti à l’écoute des gens. Merci de toutes ces pistes graphiques subtiles.

La coalition échappe ainsi au baiser de la mort des nationalistes (TT, Ordre et Justice, tiens, ça ne vous rappelle rien) de l’ex-président Paksas, en dépit du relatif bon score de ces derniers.

Pas plus tard qu’en décembre dernier, la Roumanie a renouvelé sa chambre de députés. Les nationalistes / anti-Rom / antisémites de Grande Roumanie disparaissent dans les sables du Danube. Une heureuse manip’ dans le mode de scrutin (d’une représentation entièrement proportionnelle à un scrutin mixte, attribuant les sièges par circonscription puis, faute de majorité, à la proportionnelle)  permet au Parti démocrate-libéral d’être devant en siège, quoique derrière en votes.  Il a formé, dans la douleur, une coalition avec ses grand rivaux de centre-gauche du Parti social-démocrate, renvoyant les Libéraux du premier sortant, Calin Popescu (aux résultats électoraux médiocres) dans l’opposition.

Côté logos, rien, ces gens votent trop souvent pour avoir le temps de changer de logo.

En Hesse, après des mois de tentatives infructueuses de la social-démocrate du cru, Andrea Ypsilanti, pour former une coalition «rouge/rouge/verte» («gauche plurielle», quoi), les électeurs sont retournés aux isoloirs. Isoloirs  dont le secret reste pour moi total puisqu’ils ont décidé non seulement de redonner une majorité au président du conseil CDU sortant, Roland Koch , grand démagogue anti-immigration devant l’Éternel et Angela ; mais encore, de consacrer en majesté le retour des libéraux FDP, cela dans le contexte mondial de l’effondrement du thatchérisme. Comprends pas. Il semblerait que le FDP ait joué habilement sur la corde de sa compétence éprouvée et de la crédibilité, alors que le SPD apparaissait divisé et hésitant. A quelques mois des législatives, des coalitions CDU-CSU/FDP gouvernent maintenant les cinq premiers États allemands.

Barnum

January 26th, 2009

Je n’ai pas pris, c’est dommage, de photos des canaux pris par les glaces. Ils avaient, selon l’endroit et l’heure, l’allure de natures solitaires, rendues aux canards et aux brouillards, faisant de la ville un désert nocturne ou une carrière: lugubre, minérale, poudreuse et frisquette ; ou à l’inverse s’agitaient des foules gamines des cours de récréation. Le plus beau fut la débâcle. Les tranchées de glace inondée devinrent noires, luisantes et éphémères comme l’asphalte de belles avenues toutes neuves, lisses et opaques comme des miroirs hélophytes.


A1: A Paris, je dînai avec Matthieu DC, dans son nouveau look Harvey Milk et sa nouvelle passion aquariophile.
A2: A la MAJ, sur le lit d’enfance de Crame devenu le divan divinatoire de LzMry, je papotai avec Panda, toujours heureux, doux et sexy comme son pull cachemire. Vlöörenz demandait «sur l’échelle du bonheur êtes-vous heureux? 1 c’est la Shoah, 5 la social-démocratie, 10 le mariage.» Fillette avait ressurgi aussi, comme si de rien n’était.
A3: Mes amis et moi avions vieilli, parfois mûri, et leur talent avec. 21 MAJ étaient passées sur les projets, les amours, les chagrins, les emportant, les remplaçant.
B1: Le cirque continuait de rouler de chapiteau en chapiteau: clown blanc, auguste, voyante, écuyère, monsieur loyal, contorsionniste et homme canon.
B2: Après Noël, j’ai cédé à la crainte d’être devenu l’étranger de mes amis, de n’avoir plus rien à dire à Comité par exemple.
B3: Mais dans le milieu hostile de la foule jeune, beauf et beurrée du Point FMR, cette amitié a persévéré.

Homophobie de Karoutchi

January 25th, 2009

«Comme je suis heureux, je ne vois pas pourquoi il faudrait que je cache mon homosexualité.»

Roger Karoutchi révèle son homosexualité. Si, comme Delanoë en son temps, il agit dans la perspective bien comprise d’élections à venir, il fait ce choix de «transparence» dans le confort de la personne déjà bien arrivée et bien établie. Contrairement aux coming out de Delanoë et Labarrère, Karoutchi ne fait pas acte de courage, dans le contexte d’une opinion publique souvent hostile et violemment agitée par le débat sur le pacs. Il le fait en 2009, dans une France très largement calmée sur l’existence des homos et des couples d’homos, et en tant que ministre qui veut devenir président de région. Mais à la rigueur, très bien: que cela ne choque personne et même n’intéresse plus grand monde (peut-être sa collègue au gouvernement Christine Boutin?), qu’il n’ait plus les pudeurs de vierges qu’avait d’aucun en 2002 – le d’aucun homosexuel en question ayant aussi défilé avec les anti-pacs – est plutôt signe de banalisation, comme tel assez agréable.

Mais il y a quelque chose de grave dans ce coming out. Karoutchi dit sortir du placard car «il est heureux» en couple, et car Sarkozy l’a soutenu et a invité son copain aux cérémonies officielles. Si l’on comprend bien le raisonnement, le placard serait le bon choix, le choix légitime, dans les cas de célibat, de malheur, ou d’hostilité professionnelle. Aux adolescents humiliés pour ou tourmentés par la découverte de leur orientation sexuelle, aux lesbiennes saquées au boulot, aux cohortes d’homos que la solitude, les vexations ou la discrimination acculent aux comportements à risque ou au suicide, Karoutchi n’a rien à dire – ou peut-être juste «désolés pour vous, continuez comme ça».

Il y a plus qu’une seule forme d’honnêteté dans le coming out de Karoutchi. Il assume avec franchise les idées de son camp sur la vie collective et les destins individuels, idées qui se résume à «chacun pour sa peau». Que le chef soit homophobe, que tu sois seul ou mal dans tes baskets, Karoutchi et ses camarades ne peuvent rien pour toi et au fond n’en ont pas grand’chose à foutre. Karoutchi a en effet le privilège d’être dans une situation, une position sociale, familiale et professionnelle, où son homosexualité et son coming out sont «tout naturels», «normaux.»

Il est d’ailleurs significatif que, dans ses déclarations, Karoutchi parle pour l’essentiel de lui-même et de son chef. Nulle part n’est fait mention des aspirations de milliers et de milliers de jeunes confrontés au conservatisme de leur famille, de leur école, de leurs amis, de leur premier boulot. Delanoë et Labarrère, en leur temps, avaient parlé à ces jeunes et pour eux; je me rappelle encore de l’espoir et de la force soulevés par le coming out de Delanoë, parlant «des millions de femmes et d’hommes qui vivent mal cette discrimination», alors même que nous montions une asso pédée dans le contexte un peu hostile de notre école. Il disait souhaiter «réclamer pour tous le droit à l’indifférence.»

Mais Karoutchi ne veut pas être une figure positive, un modèle, un espoir pour ces gens, dont au fond il se moque. Karoutchi ne parle pas spontanément d’adoption par les homos, et point du tout de couples (homos ou pas d’ailleurs) brisés par des lois migratoires iniques et paranoïaques, d’homosexuels renvoyés dans leur pays en dépit des risques encourus, de trans humiliés par des procédures administratives insupportables. Karoutchi veut juste gagner un galon supplémentaire à l’UMP. Interrogé à la télé sur la revendication des homos à obtenir l’égalité en matière d’adoption, Karoutchi répond qu’il n’a «pas d’avis»: c’est sûrement un des rares homos un des très rares hommes politiques à n’en rien penser du tout.

De tout cela, il y a un prix pour les pédés, qui est la contrepartie du gain espéré par Karoutchi, escompté peut-être par Sarkozy et l’UMP, comme ils mettent en avant ce coming out insignifiant et égoïste dans la presse. Il y a comme un pacte faustien à vouloir être de son camp le pédé «sans ostentation», «normal», qui ne s’appelle pas lui-même simplement «homosexuel»: c’est le prix de la fierté et de la solidarité, prix il est vrai acquitté par les autres.

Dans un gouvernement casté par sociotypes grossiers, sur le modèle de la «Star Academy» ou du «Loft», Karoutchi peut espérer le rôle sémillant et emblématique de Steevie : après les beurettes, la black, la charmante idiote, le latiniste je-sais-tout et le(s) traître(s), le gouvernement a désormais son pédé. Comme Steevie, la contribution de Karoutchi au destin des pédés et gouines de son pays risque d’être matériellement nulle, symboliquement humiliante, et humainement désespérante.

 «And the young gay people in the Altoona, Pennsylvanias and the Richmond, Minnesotas who are coming out and hear Anita Bryant on television and her story. The only thing they have to look forward to is hope. And you have to give them hope. Hope for a better world, hope for a better tomorrow, hope for a better place to come to if the pressures at home are too great. Hope that all will be all right. Without hope, not only gays, but the blacks, the seniors, the handicapped, the us’es, the us’es will give up.» (Harvey Milk, 1978)

(édité au 27/01/09 pour tenir compte de l’interview télé)

La belle époque.

January 7th, 2009





D’autres choses, des romances sans image, méritent d’être dites aussi. Le 30 décembre par exemple, je me suis promené avec Stéphane «Sac à mains» dans Paris, parlant de son nouvel amoureux («c’est du lourd!») et de mes échecs récents. Ce fut une journée de hauts et de bas, à traîner à la Galcante et chez Delamain, à croiser par hasard Fred «le Lillois» (encore dans un sauna, dans le hasard il y a un message), mais aussi à essuyer un râteau imbécile à GymLouvre, lieu de déréliction et de laideur. Ou le 1er janvier, quand avec Thérèse nous avons gentiment parcouru bras dessus, bras dessous, Colombes poignardée, banlieusarde et vide comme une assedic un jour férié, avant d’aller voir «Il Divo» avec Emmanuel de Ngroung, puis les TBS en plein régime de Mendeleïev.

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A1: Dans un décembre laborieux, froid, solitaire, heureusement qu’il y avait Benjamin VDH. Il m’avait cuit des tostis et sorti dans R-dam.
A2: A Paris, comme tous les Noëls, on avait dîné de sushis chics avec mes parents. On reparlait de Kerviel, on rigolait bien de la politique.
A3: A un moment, j’ai eu le blues, l’ai partagé, et ai dit à ma sœur: «on a trente ans et pas de gamins, moi j’ai peur de finir seul»; Mon père répliquait par deux vannes: «pour la vieillesse, il n’y a que deux solutions: être très entouré ou être très riche» et «pourtant pour moi vous êtes plutôt un souci dans ma vieillesse.»
B1: Je squattais chez Mamy. Tout, de la tranquillité, des usages, du déroulement conforme et sans heurt du déjeuner, renvoyait à l’enfance.
B2: Même le retard habituel de SophCo était devenu sans gravité, vidé de son drame passé.
B3: Ce Noël amorti avait été interrompu par la coutume désarticulée du séjour à Toulouse.
C1: Pourquoi, de cette douceur, ai-je noté sur le moment «Noël mou, familier, au confort trompeur et écœurant, presque vénéneux (à la manière des vieilles bonnes choses suries), comme un lit affaissé»?
C2: A Toulouse donc, chaque pas était devenu difficile et compté: tâton dans la neige, parésie de l’âge, impasses du raisonnement.
C3: Dans le cul-de-sac de la vieillesse, les passions, le fond du caractère demeurent seuls, et à vif: plaisanterie du langage, intransigeance, peur d’être abandonné, tyrannie tranquille de paterfamilias.
D1: De retour à Paris, nous avions partagé beaucoup de sake au fin fond du XVe, et puis squatté le loft germanopratin de la famille Boxing.
D2: Nippon narrait ses anecdotes poulaga, et BoxingBoy ses espoirs adolescents.
D3: Alex STAPS racontait pour l’Xième fois la vieille histoire du mouton dégueu à la moutarde.
E1: Le réveillon chez les B2 avait été calme et volupté. BoxingBoy avait mis à contribution son expertise des petites pintades.
E2: Finkielkraut et un ami (l’inversion de la pensée unique)
E3: On était rentré tôt chez soi, un à un, sauf moi qui avait écouté François et Nicolas m’expliquer dans la nuit comment ils s’étaient séduits. François roublard, Nicolas bille-en-tête, marrants tous les deux.





A1: Fort jadis, et avant que mon ordi ne demandât un triple pontage, on avait dîné à A-dam. Le souvenir en est flou déjà. Sébastien Prof était sorti de son ensevelissement enseignant, angoissé de ne pas en faire assez à son nouvel poste.
A2: François B2 racontait des bêtises sur ses origines modestes, «commerçants; tout petits commerçants; rémouleurs!» Comme «l’esprit Mortemart», la drôlerie de B2 semblait destiner à demeurer pour toujours un séduisant rébus, souvent évoqué, jamais élucidé par le mémorialiste.
A3: Et Nicolas B2 parlait je crois de la tranquillité de son chômage, des dessous incroyables de la comm’, et puis relançait François dans ses vannes.
B1: A Groningue, pour un déplacement professionnel. Je ne savais pas encore que mon cœur flancherait en boîte pour Tony, un Irlandais exilé là-haut.
B2: Le mois de novembre fut comme un tunnel post-Moritz, fait de travail et de froid.
B3: Nous avions fait le voyage de Londres, convoqués par les amours et la solitude étranges de Francis Bacon et de BoxingBoy.
C1: Mon père avait évoqué le temps de sa splendeur, in the eighties, the nineties, quand il descendait de ses bureaux de Londres près Burlington Arcade, pour acheter des catalogues d’art introuvables.
C2: Ma mère restait anxieuse, généreuse, fumeuse — inquiète de la situation à Toulouse, émue par les petites peintures préparatoires de Rothko, curieuse du boulot de BoxingBoy.
C3: Quant à SophCo, je ne sais plus. Elle était en forme, Pau l’avait changée pour le mieux.
D1: Un peu plus tard, Alex et Idan STAPS vinrent à leur tour, accueillis avec moi dans le loft palatial de BoxingGirl et BoxingPhotographe. Ce fut un bon week-end, car on cuisina gras, et mata des clips d’Alice Sapritch.
D2: Avec le temps, les désillusions amoureuses d’automne m’avaient allumé le contre-feu d’une libido galopante. Il y eut, ce weekend là, Jip, un acteur juvénile, et Stratos, un Grec peu révolté. Ce faisant, je collais mieux, aux yeux d’Alex et des autres, à mon image de plus gros baiseur de la bande.
D3: La conclusion, pourtant, était de dégoût et de lassitude, l’envie de débrancher tous les abonnements, presque de devenir born-again virgin.
E1: Les blagues d’Alex se composaient de trois catégories, des trucs douteux sur sa judaïté (?), répondre «dans ton cul» aux questions en «où..?», et des variantes de qualification d’Idan comme «petite belette de l’amour toute». Seulement quand il parlait affaires, c’est-à-dire savoir, avec Sébastien Prof, reprenait-il son sérieux.
E2: Comme BoxingBoy exilé à Cambridge, la solitude et l’isolement me rendaient bizarre sorti de ma réclusion, et toujours moins tolérant aux travers des autres, ou à ce que je considérais tels. Sûrement la blague d’imiter son futur mari beauf et résigné en criant «Mais ta gueul-euh» à BoxingGirl, était-elle moins drôle qu’il n’avait semblé dans l’instant et plus blessante, car elle venait de là.
E3: Comme Idan aussi, je souffrais doucement à la longue d’être loin de mes bases.

Landslide!

November 5th, 2008

«A very gracious concession speech.»

D’abord être honnête, et dire que ce qui me domine est la joie. Je me rappelle quand,  le 3 octobre 1990, mes parents nous ont réveillés avec SophCo, pour voir à la télé la réunification allemande,l’hymne national joué à Berlin, les feux d’artifice, les foules si justement et univoquement heureuses. Le parc à Chicago est magnifique, presque le souvenir d’une génération : toute le peuple mêlé là où la loi imposait encore, il y a 45 ans, la ségrégation ; là où la jeunesse pacifiste fut tabassée par les flics il y a 40 ans -, les foyers noirs filmés par la télé, la fête au fin fond du Kenya. Parfois, l’Amérique se surpasse, surpasse les ghettos, la violence, la corruption, le ridicule de son système électoral pourri et dysfonctionnel.

Le discours de McCain a été également admirable, à la hauteur de sa respectable carrière parlementaire, d’esprit libre et digne (jusque cet été). Je ne suis pas, néanmoins, d’accord avec lui quand il dit qu’Obama est le premier Afro-Américain élu à la présidence, Obama est mieux que ça : le premier métis. J’ai repensé, ces quelques dernières semaines, à l’oracle de mon prof d’hist-et-géo de seconde à Stan’, un Martiniquais qui disait, «je suis [en tant que métis] l’homme de l’an 3000», au milieu des rires gras de lycéens opusdéistes. Je ne sais pas où il en est, de la vie, de la retraite, mais j’espère qu’il a vu ça, et je suis heureux que l’histoire lui donne, dans une certaine mesure au moins, raison avec tant d’avance.

La campagne d’Obama a été, sur le plan matériel, pratique, quelque chose de formidable, «j’adore qu’un plan se déroule sans accroc».
- il l’emporte très largement chez les primo-votants (a.K.a les jeunes), les Latinos, les Noirs bien sûr, et emporte une part très significative du vote «petit-blanc», ouvrier, notamment féminin. Sa coalition est une image fidèle et encourageante de l’Amérique qui souffre et de celle qui arrive.
- Grâce à l’engagement personnel et matériel majeur et créatif de ses supporters (ainsi que l’argent des grands donateurs traditionnels des Démocrates), il a emporté le pari de l’inscription sur les listes et du vote effectif («getting out the vote»). Il gagne des votes (par rapport à Gore et Kerry) dans les bastions démocrates, comme dans les bastions républicains. Il fait basculer les banlieues.
- Par conséquent, il l’emporte sur l’ensemble des quatre «chemins» vers la Maison-Blanche que ses stratèges avaient tracé : à l’Ouest (Nouveau-Mexique, Colorado, Nevada), dans le Midwest (Ohio, peut-être même Missouri et Indiana), dans les Appalaches (Ohio, Pennsylvanie, et même Virginie), et en Floride.
- Il a le mandat populaire et électoral le plus large en 44 ans, une ample majorité au Congrès – encore qu’il demeure incertain s’il a la super-majorité sénatoriale, lui permettant de surmonter la «flibuste» des Républicains ; cela dépendra notamment de l’affiliation de Joe (The Plumber?) Lieberman.

Sébastien Prof disait (il y a quelques semaines dans un dîner avec BoxerGirl et BoxerPhoto), dans ces conditions, il pourrait même passer un programme bien à gauche, notamment sur l’assurance-maladie (couverture universelle et largement publique). Je ne sais pas. C’est probablement l’élan de la majorité parlementaire. Ce n’était pas son programme; ce n’est pas, je crois, le fond de sa pensée — à la fois par conviction et par positionnement politique. Il me semble y avoir deux aspects à ce dernier point :
- la tentation, pour lui, d’être non seulement le Lincoln mais le Reagan de sa génération: on parle d’ores et déjà largement d’«Obama Republicans.»
-je me suis dit récemment, à la lecture d’articles sur Obama, qu’il y a quelque chose en lui de Jospin. Le contrôle total de soi, jusqu’à l’ascèse et à quelque inhumanité; sa traduction dans une bonne éloquence, une forme de simplicité et d’esprit direct qui n’existe qu’en surface ; l’insistance sur la «méthode», cette petite dialectique qui conduit à éviter les solutions «extrêmes» et prône la collégialité, l’écoute. Michelle pourrait aussi, comme Sylviane Agacinski, jouer des tours (j’aime beaucoup la personnalité et les idées de Michelle Obama et pas celles d’Agacinski ; mais elle me semble également inflammable, peut-être de piètre conseil politique).  On verra. Cela ne gâche pas plus le bonheur que de se remémorer 1997 au prisme de 2002.

«...projects an Obama victory in the battleground of Ohio»

Tous les networks donnent Obama gagnant dans l’Ohio, donc c’est plié. Un décompte de CNN montre que même si McCain gagne tout ce qui reste en jeu, sauf ce qui est forcément démocrate (Californie, Oregon, Etat de Washington, et Hawaï), il lui manquerait quelques grands électeurs pour atteindre les 270 votes. Et il est improbable qu’Obama ne gagne ni l’Iowa, ni la Floride, ni la Virginie, ni l’Indiana.

Alors que j’écris, CNN (pourtant super-frileux) donne le Nouveau-Mexique à Obama. Ca va être une belle victoire. Les chiffres du sénat (55 / 34 à ce stade) sont très impressionnants également.

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