Recomposé
A1: Après, mais il y a longtemps, j’ai marché dans la grisaille vernale, parmi les ruines d’une vieille ville désanimée par l’urbanisme et l’indifférence des bureaucrates,…
A2: … pour le printemps et la gay pride de Bruxelles.
A3: «Non mais c’est n’importe quoi les looks là ou bien?»
B1: On s’est fâchés, parce que LzMry est excessive et que je suis irascible.
B2: Alors j’ai marché encore, mais tout seul, et même quand j’ai été rentré il n’y avait pas trop de mots.
B3: Lorsque je suis dans une ville étrangère, et même si j’y trouve des repères ou des affinités, toujours une distance me saisit, mon extranéité, mon extériorité complète et imperméable à sa vraie vie, à la substance de la vie sociale, des fêtes, des amitiés. Parfois, je sens le risque d’une xénélasie de la vie parisienne, si je reste trop longtemps au loin. Et la vieille angoisse du lycée, n’être plus nulle part chez moi, me reprend.
C1: A Paris pourtant, j’ai dignement fêté mon anniversaire. SophCo revivait dans son nouveau job, conseil en foies gras.
C2: Un soir ou deux, je me suis dit, je ne sais pas ce qui m’a manqué, de Paris, du printemps, ou d’être amoureux. Cela n’eut pas de surlendemain.
C3: A A-dam, Mamy et Thérèse ont voulu voir comment je vivais et ce qu’il y avait à faire; alors on a décollé des stickers de la façade de squats.
D1: A nouveau, le sentiment d’impasse professionnelle m’a assailli.
D2: Curieusement, c’est en correspondant, à répétition, avec des hommes-photos de très loin, des inconnus sémillants, que j’ai été amené à le formuler pour moi-même de façon toujours plus épurée: je ne pourrais pas faire ce travail toute ma vie, il m’intéresse mais pas son aboutissement logique, toute vraie progression est d’ailleurs hors d’atteinte si je n’interviens pas rapidement sur le cours des choses.
D3: Comme les brocantes surviennent, plus la longueur de temps s’étale, plus s’installe la déprime trentenaire, plus colle ce dialogue avec Crame. Lui: «c’était sympa mais tu n’a rien à regretter, vraiment. ça t’aurait fait une bonne légende sur Freedonia tout au plus.» Moi: – mmmm. C’est le cas de la plupart des choses. C’est terrifiant, quelque part: la vie est une poignée d’instants Freedonia, du sable qui glisse entre les doigts.